« Attends, je dois gérer mes cons », me lâche un jour ma sœur, les yeux rivés sur son téléphone. Elle n’est pas du genre vulgaire pourtant, elle est prof des écoles et me reprend quand je jure. Une insulte de sa part, c’est une alerte rouge. Dans les groupes d’adultes qu’elle coordonne pendant son temps libre (danse, couture, syndicats…) se glissent parfois des caractères désagréables et des égos boursoufflés. Quand une personne réunit les deux ingrédients, en bon français —pardonnez la brutalité du terme— on appelle ça un con. Derrière l’injure légère se cache un fléau social qu’il est urgent de prendre au sérieux. Parlons des cons, mais faisons plus que les insulter : étudions-les.
L’essence du con, c’est peut-être ce trentenaire blanc, en costard, qui gare sa berline sur une place handicapé pour s'acheter des clopes, et reste ensuite planté là à parler fort au téléphone. En open space, il fait des remarques sexistes puis lâche des bruyants « oh ça vaaaa, on peut même plus rigoler ! » Le con est aussi une conne. Les américain·es lui ont donné un nom, Karen, vite devenue un archétype de la connerie au féminin. Karen est volontiers raciste, se plaint en permanence et aime bien le faire devant tout le monde.
Pourtant, les cons sont en écrasante majorité des hommes, et je ne suis pas le seul à le dire. L’INSEE n’a pas de chiffres sur la connerie, c’est bien dommage, mais on sait qu’elle rime avec agressivité, sentiment de supériorité voire volonté de domination… penchants plus masculins (désolé messieurs). Eric la Blanche, expert en connerie (quel beau métier), rappelle 3/4 des délits sont commis par des hommes : pourquoi en irait-il différemment des incivilités de faibles intensité ?
Le con a plusieurs cousins dont il est plus ou moins distinct :
Les cons sont présent partout mais visibles nulle part. Pas de page Instagram officielle, pas d’AMF (Amicale des Cons de France). Sans doute parce que le con est toujours l’autre et jamais soi-même. Camille Morvan, une chercheuse en neuroscience, rappelle que la fonction d’une insulte est d’extérioriser une émotion forte. Un « naufrage interactionnel » qui résume bien l’adage : « on est tous le con d’un·e autre ».
Les cons ont malgré tout une caractéristique majeure et emmerdante : ce sont des égoïstes. C’est ce que nous dit un merveilleux documentaire Arte, qui rappelle que le nombrilisme provient d’un ensemble de facteurs qui nous échappent. Nos gènes par exemple, ou notre éducation. L’égoïsme est aussi grandement provoqué par le contexte dans lequel on se trouve. Pour voir des cons pousser comme des champignons, observez les bouchons d’autoroute en fin de journée, ou bien confinez-vous pendant 4 mois et tentez d’acheter du PQ. Stress, incertitude et panique forment une pression extérieure qui nous grille vite quelques neurones.
Les cons rôdent aussi au travail, quand le succès ou la hiérarchie sont érigées en valeurs cardinales. Dans la haute gastronomie par exemple, il est courant de « se faire enfermer dans un frigo ou nettoyer les carreaux à la brosse à dents… La créativité n’a pas de limite pour faire souffrir quelqu’un. Même quand le chef a tort, on est obligé de dire ‘’oui, chef’’ », explique la cheffe Laetitia Visse.
Bonne nouvelle : nos cons ne sont pas une fatalité, on peut même s’en débarrasser. A condition, bien sûr, de ne pas en devenir un en cours de route.
Dans le 2e épisode de cette enquête, je propose des pistes concrètes pour diminuer la connerie en soi et autour de soi. J’explore aussi une utopie : le ministère de la connerie.
Poil à gratter ou fléau social ? Les cons sont présents partout mais visibles nulle part. Parlons-en !
Plutôt Octogone, cage de combat libre, ou hexagone, symbole de notre beau pays ? Un texte tiré d'un concours d'éloquence, qui mobilise une argumentation tirée par les cheveux, des jeux de mots et des jolies phrases (en tout cas, j'ai essayé).